REFOULEMENT DE L'HEGELIANISME ET INCOMPREHENSION DU MARXISME EN BELGIQUE AU XIXème SIECLE

André LANGE
Assistant à l'Université de Liège

Communication au Colloque international «Karl Marx» (VUB, 1983).
Publié dans Toudi. Culture et société, Centre d'études wallones, Quesnast, 1989.

 


    La question de savoir pourquoi le marxisme ne s'est guère implanté en Belgique .au 19ème siècle, alors que ce pays fut le premier à accomplir sur le continent la révolution industrielle et que c'est à Bruxelles même que Marx a terminé l'Idéologie allemande, n'a, jusqu'à présent, pas trouvé de réponse satisfaisante. Le débat ouvert par la revue Critique politique sur les origines du réformisme caractéristique du mouvement ouvrier belge a mis en évidence l'existence de deux types d'interprétation. L'une présente le réformisme comme un produit historique interne de la conscience de classe du prolétariat ; l'autre situe le problème au niveau de la pratique politique de la direction du Parti Ouvrier Belge (POB), considérée comme liquidatrice de l'instinct révolutionnaire de la classe ouvrière, instinct démontré à l'occasion des grandes grèves de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle (1).


    Je voudrais proposer ici un troisième type d'explication qui déplace la problématique vers l'étude du niveau de réflexion théorique de la bourgeoisie belge ellemême. Il ne suffit pas, en effet, d'invoquer «l'incapacité des réformistes de la direction du POB de transformer en guerre pour le pouvoir d'Etat la position de force acquise par le prolétariat sur le terrain syndical et économique» (2) pour expliquer comment il se fait qu'en dépit de sa grande capacité de lutte, le mouvement ouvrier belge n'a pas produit un théoricien conséquent de l'Etat bourgeois, un Lénine ou un Gramsci local, un de ces «idéologues bourgeois qui se sont haussés jusqu'à la compréhension théorique de l'ensemble du mouvement historique» tels que Marx les décrit à la fin du Manifeste (3).

    Poser cette question ne peut être que poser le problème de la formation théorique, c'est-à-dire de l'état de développement de l'étude de la philosophie au 19ème siècle, étant entendu que la théorie marxiste se nourrit des apports de la pensée bourgeoise. L'historiographie belge nous laisse assez démunis à ce sujet, qu'il s'agisse de l'étude de la position assignée par la société aux intellectuels ou de la description des traditions philosophiques locales (4). Je voudrais poser ici un jalon, en montrant qu'une tentative officielle d'implantation de la philosophie allemande - et en particulier de l'hégélianisme - eut lieu en Belgique sous l'occupation hollandaise et que le rejet par la société belge de l'hégélianisme, quelques mois avant la révolution de 1830, contribue à préciser le statut théorique de cet Etat.

    En focalisant l'attention sur l'hégélianisme, je présuppose que la connaissance de la philosophie hégélienne a été un élément nécessaire à la compréhension du marxisme, et donc à son implantation dans le mouvement ouvrier. C'est évidemment prendre position dans la question controversée du rapport entre la pensée de Marx et celle de Hegel. Sans pouvoir les détailler ici, je préciserais quels sont mes préalables à ce sujet:

    a. Il n'est guère difficile d'établir le constat que le marxisme ne s'est développé théoriquement que là où ont existé, à la fin du 19ème et au début du Même siècle, des écoles universitaires néo-hégéliennes : en Allemagne, mais surtout en Italie (5) et en Russie (6). En France, le développement tardif de la pensée marxiste - entre 1945 et 1975 - a été tributaire de la «redécouverte» de Hegel par le Collège de sociologie, par Kojève et Hyppolite dans le courant des années 30 (7).

    b. Dans la littérature marxiste française, le rapport Marx-Hegel, focalisé sur la dialectique, n'a pu être correctement éclairci en raison d'une confusion constante entre les deux concepts hégéliens d'Entaüsserung et d'Entfremdung (extériorisation et extranéation), posés comme équivalents et traduits par un seul terme, l'aliénation . Aucun théoricien marxiste n'a encore tiré profit de l'éclaircissement de la différence de sens de ces deux concepts telle qu'elle a été établie par les philosophes hégéliens contem-porains (Gauvin, Boey, Labarrière, D'Abbiero) (8). Au contraire, toute la littérature marxiste francophone reste tributaire de l'erreur de traduc-tion de ces deux concepts commise par Hyppolite dans sa traduction de la Phénoménologie', mais aussi de la confusion de ces deux concepts par G. Lukacs non seulement dans Histoire et conscience de classe mais également dans Le jeune Hegel . C'est, en particulier, à partir d'une compréhension économiste de l'Entäusserung (extériorisation) par Lukacs dans Lejeune Hegel que Bottigeli, Althusser, Naville, Mandel, ... ont reconstruit le concept de travail aliéné.

    c. L'enjeu de la clarification des deux concepts traduits couramment par aliénation est au coeur même du débat sur le rapport entre Hegel et Marx.
Sans pouvoir le démontrer ici avec tous les textes à l'appui, nous défendons la thèse que non seulement, dans les Manuscrits de 1844 , Marx a conscience de la distinction hégélienne entre Entäusserung et Entfremdung mais que, dans le Capital, ces deux concepts trouvent leurs équivalents matérialistes dans la Verausserlichung et dans le Fetichismus. La Verausserlichung peut être interprétée comme la manifestation extérieure, matérielle, d'un processus historique plus général, une méto-nymie des lois historiques, tandis que le fétichisme est un processus lan-gagier, qui, par l'ellipse, masque le plein déploiement d'un processus historique.

    C'est dans l'exacte mesure où elle perçoit l'extériorisation historique comme manifestation d'un processus total et où elle garde comme projet l'énoncé complet, dégagé des figures de rhétorique, de la totalité historique que l'épistémologie marxiste reste tributaire de l'hégélianisme. Que ce projet de narrer la totalité du processus historique nous apparaisse aujourd'hui comme une nostalgie hégélienne importe moins que la mise en évidence de ce que la critique menée par Marx, au nom de la totalité, est une critique des procédés de la rhétorique du discours idéologique.

    Lecteur et héritier de Destutt de Tracy, qui, dans ses Eléments d'Idéologie, prétendait bannir les tropes du discours scientifique, Marx a conservé la dialectique hégélienne, mais, lui interdisant d'être jeu de mots abstraits, l'a mobilisée en vue du récit le plus total possible de la réalité historique concrète(9).

    N'allons pas plus loin en ce qui concerne le caractère indissociable de la dialectique hégélienne et du cheminement de la pensée de Marx et venons-en à cet épisode caractéristique du refoulement de l'hégélianisme par la Belgique.

L'enseignement de la philosophie en Belgique sous le régime hollandais

    L'occupation française (1794-1814) des anciens Pays-Bas autrichiens fut plus propice à la conscription qu'à l'enseignement de la philosophie. La tradition théologique de l'Université de Louvain s'était épuisée dans le courant de la seconde moitié du 18ème siècle et la suppression par l'occupant, en 1797, de l'Université, ne fit qu'y mettre un point final. Le sensualisme de Condillac et l'enseignement des Idéologues dominaient la scène philosophique avant d'être qualifiés de «philosophes de la noblesse dépravée» par les spiritualistes de la période suivante (10).

    L'administration hollandaise accorda par contre, après 1815, une grande importance à l'organisation de l'enseignement public et des Universités dans les provinces belges. La philosophie fut l'objet d'un traitement tout particulier, au point qu'un témoin tel que Victor Cousin a pu dire que «Ia philosophie a été traitée avec une sorte de munificence en Belgique» (11). Organisées sur le modèle de l'Université de Berlin (12), tel que Guillaume avait pu l'observer lors de son exil en Allemagne, les trois universités belges de l'époque, créées en 1816 et 1817 à Louvain, Liège et Gand, comprenaient chacune une chaire de philosophie.

    C'est à Liège que la philosophie allemande fait sa première apparition. Elle est représentée par B.I. Denzinger (1817-1830), que le mémorialiste A. Leroy présente comme un «kantien modéré» (13). A l'Université de Louvain, par contre, domine l'éclectisme, fortement influencé par Victor Cousin. Tout en se situant dans la tradition spiritualiste, Cousin déf inissait l'éclectisme comme une méthode cherchant à intégrer ce qu'il peut y avoir de vrai dans des systèmes philosophiques différents. Correspondant et ami de Hegel, il fut le premier, à la fin des années 20, à introduire l'hégélianisme en France, mais un hégélianisme banalisé, quasi réduit à la caricature «Thèse-antithèse-synthèse». Il faudra d'ailleurs attendre la fin du 19ème siècle pour que le Napolitain Vera traduise quelques oeuvres de Hegel en français.

    Les disciples de Cousin en Belgique forment le «trio éclectique» : F. de Reiffenberg, qui enseigne à Louvain de 1822 à 1830 ; P.F. Van Meenen, jurisconsulte, avocat à Louvain, qui deviendra, en 1834, le premier recteur de l'Université libre de Bruxelles et Sylvain Van de Weyer, également avocat, qui enseignera la philosophie au Musée des Sciences et des Lettres de Bruxelles, de 1827 à 1830, avant de devenir le chef de file de la diplomatie du jeune Etat belge.

    On a pu dire de l'éclectisme de Cousin qu'il était l'équivalent en philosophie de ce que furent en politique la Restauration et la Monarchie de Juillet. Sans doute faut-il voir dans l'éclectisme belge, libéral, mais non anticlérical, à la différence de la tradition voltairienne, la forme idéologique propre à une fraction particulière de la petite-bourgeoisie, insérée dans l'appareil d'Etat, mais dominée à l'intérieur de celui-ci par la bureaucratie hollandaise. Philosophie de la modération et du juste milieu, l'éclectisme n'apparaît comme rien d'autre que la base théorique du pragmatisme politique. Aussi n'est-il pas étonnant de constater que P.F. Van Meenen sera, avec l'abbé De Foere, le premier théoricien du rapprochement des libéraux et des catholiques, rapprochement qui devait aboutir en 1828 dans la formule politique de l'Unionisme, qui sera celle, fondamentale, des dixsept premières années de la politique de l'Etat belge.

    Cependant, l'événement marquant de l'occupation hollandaise sera l'introduction en Belgique de l'hégélianisme comme philosophie quasi officielle du régime et matrice théorique de la politique dite de l' «Amalgame». Le principal acteur de cette importation précoce de l'hégélianisme sera un ami et correspondant de Hegel, un certain P.G. Van Ghert.

P.G. Van Ghert, zélateur hollandais de l'hégélianisme

    La diffusion de la pensée hégélienne en Europe a fait l'objet de diverses monographies nationales et d'ouvrages de vulgarisation (14). Très tôt, l'ami et biographe de Hegel, K. Rosenkranz, accrédita l'idée que, des nations voisines de l'Allemagne, la France fut la première à entrer en contact avec la philosophie hégélienne, suite à l'initiative de Victor Cousin, qui rencontra Hegel à Heidelberg en 1817 (15). Nous savons maintenant que cette idée est fausse, puisque l'échange épistolaire de Hegel avec un de ses anciens élèves hollandais, P.G. Van Ghert, atteste que dès 1811 la Phénoménologie de l'Esprit fait l'objet de débats dans les milieux philosophiques des Pays-Bas.

    D'origine catholique, Peter-Gabriel Van Ghert (1782-1852) fut auditeur et élève privé de Hegel à Iéna (16). A partir de 1808, il devient fonctionnaire au Ministère des Cultes des Pays-Bas. On a conservé 16 lettres qu'il envoya à Hegel entre 1809 et 1828 et 10 lettres que Hegel lui adressa dans la même période. Van Ghert nourrissait pour Hegel une véritable vénération : «Il est fou de philosophie et fou de votre philosophie», écrira de lui Cousin à Hegel (17).

    Dès le 11 août 1809, au courant des difficultés professionnelles de Hegel, contraint par la fermeture de l'Université de Iéna de se livrer au journalisme à Bamberg (18), Van Ghert propose à son maître une place dans une Université hollandaise (19). A plusieurs reprises, il lui fait part de la misère de la philosophie hollandaise et de l'opposition à la philosophie allemande; seuls Schelling, et, dans une moindre mesure, Kant étant acceptés aux Pays-Bas (20).

    Van Ghert informe également Hegel de l'écho que rencontrent ses livres et prend à coeur leur diffusion : il publie une défense de la Phénoménologie de l'Esprit et polémique avec les kantiens hollandais, incapables de saisir la dialectique de la Logique (21). Par ailleurs, à la suite de Schelling et de Hegel lui-même, il s'intéresse au «magnétisme animal» et se livre à des expériences de thérapie psychologique par hypnose, qui annoncent étonnamment celles de Charcot et Janet. Ce trait mérite d'être noté, car c'est le seul que les historiens belges, à la suite du principal détracteur catholique de Van Ghert, le nonce Ciamberlani, retiendront de sa formation intellectuelle (22).

    En janvier 1816, quelques mois après Waterloo, Van Ghert est nommé par le roi Guillaume ler Commissaire des affaires du Culte catholique pour le Royaume des Pays-Bas et du Grand-Duché de Luxembourg et il établit son domicile à Bruxelles (23). Lorsque sont créées les Universités belges, il renouvelle sa proposition de procurer une chaire à Hegel. «On peut supposer, écrit-il (24), que les universités belges deviendront meilleures que les universités hollandaises. On aurait dû supprimer la distinction et amalgamer davantage les deux parties, car alors on aurait pu espérer davantage d'amitié et d'entité entre les deux parties de notre royaume».

    Hegel, qui vient d'être invité à Berlin, pour occuper la chaire de Fichte, consécration de sa carrière, décline une nouvelle fois l'invitation, et, sur l'amalgame, conseille la prudence : «Vous ne trouvez pas bon que l'on n'ait pas amalgarné davantage les Universités hollandaises et brabançonnes ; je suis obligé d'être d'un autre avis : grâce à la stricte séparation et à la soigneuse conversation de ce que chaque parti peut regarder comme son droit, se trouve éliminé le premier mal qui s'oppose à toutes les améliorations et à tous les rapprochements: la méfiance. Une fois que, parce moyen, la confiance est gagnée, ce moyen devient superflu et se détruit lui même, ainsi que toutes les barrières de la méfiance. J'ai vu dans plusieurs pays allemands cette duperie: l'esprit partisan, qui se prétendait impartial, supprimait toutes les barrières extérieures et s'assurait ainsi la possibilité d'être partial sous la marque de l'impartialité» (25).

    A l'invitation de Van Ghert, Hegel visite néanmoins deux fois la Belgique. En octobre 1822, il se rend d'Aix-la-Chapelle à Bruxelles, en passant par Liège et Louvain. Avec son disciple, il visite le champ de bataille de Waterloo, «ces plaines et ces collines mémorables», Sainte-Gudule, Laeken. Il assiste à Gand à l'installation d'un nouveau recteur et admire à Anvers les Rubens et les Van Eyck (26).

    Hegel reviendra une seconde fois en Belgique, en octobre 1827, au retour de Paris, en compagnie de Victor Cousin. Il rencontre le baron Goubau, l'ancien supérieur de Van Ghert, pestant contre le Concordat, et visite les Universités de Gand (où il rencontre Rassman, professeur de philosophie), de Louvain (où il rencontre le philologue Bekker, futur recteur de l'Université de Liège) et, finalement, de Liège, où il rencontra probablement Denzinger. «Nous avons visité ces Universités, écrit-il à son épouse (27), comme des lieux de repos éventuels, pour le cas où à Berlin les porteurs de soutane me rendraient le séjour insupportable au Kupfengraben.» L'ironie de l'Histoire voulut que, quelque mois plus Lard, ce fut à son ami Van Ghert, que les porteurs belges de soutane rendirent le séjour insupportable ...

Les rapports de l'Etat et de l'Eglise dans la pensée de Hegel

    Jusqu'à quel point Van Ghert a-t-il assimilé la complexité du système hégélien ? L'historien de la philosophie hollandaise, G. Von Antal, a écrit des collaborateurs de la revue Tijdschrift voor wijsbegeert, que Van Ghert lança en 1828 pour la diffusion des idées hégéliennes, «qu'ils n'ont rien produit d'important, et les quelques cahiers de cette revue ne forment qu'un tombeau brisé du système hégélien» (28). Il n'en reste pas moins que pendant plus de vingt ans, Van Ghert a eu une connaissance directe des principales oeuvres de Hegel. Auditeur à Iéna, il a pu entendre la lecture de textes qui ne furent publiés qu'après la mort de Hegel et auxquels nous n'avons accès en français que depuis peu : le Système de la vie éthique, le Droit naturel et les deux Philosophies de l'Esprit. La seconde de ces Philosophies de l'Esprit en particulier est considère par les historiens contemporains de la philosophie (et notamment J. Habermas) comme une date importante dans l'évolution de la pensée de Hegel, puisque c'est dans ce texte qu'ont lieu la rupture avec le moi transcendal kantien, l'apparition du concept d'Entäusserung (extériorisation), appliqué aussi bien au travail qu'au langage, l'éloge de Machiavel et la première rencontre entre l'économie politique anglaise et la philosophie allemande (29).

    Van Ghert a par ailleurs lu la Phénoménologie de l'Esprit dès 1809, la première partie de la Science de la logique dès 1813, l'Encyclopédie dès 1818 et les Principes de la philosophie du Droit dès 1821. Il semble qu'il ait perçu les oeuvres successives comme se succédant sans discontinuité: sa correspondance ne contient pas de remarques sur d'éventuelles surprises de lecture; au contraire écrit-il en 1818 de l'Encyclopédie : «elle m'a rappelé maintes choses que j'ai entendues de vous avec tant de plaisir» (30).

    Quelle que soit la compréhension que Van Ghert ait pu avoir de l'ensemble du système hégélien, à un moment ou l'autre de son développement, il a pu en extraire ce qui en constitue quasi un invariant : la critique de la séparation de l'Etat et de l'Eglise. De cette critique théorique, il a pu nourrir, durant toute la période de son mandat à Bruxelles, les principes d'une politique des cultes.

    La critique de la séparation de l'Etat et de l'Eglise est un thème qui apparaît chez Hegel dès les écrits de jeunesse et que l'on retrouvera jusque dans l'Introduction à la philosophie de l'Histoire. Rosenkranz (31) rapporte qu'en 1798, à Tübingen, Hegel soumit à la critique la Doctrine du Droit , la Doctrine de la Vertu et la Métaphysique des Moeurs de Kant et cite un premier texte où la séparation de l'Eglise et de l'Etat prônée par le maître de Könisberg est présentée comme caduque. A cette époque, la base de l'argumentation est déjà la conception de l'Etat comme principe supérieur de la totalité : «Si l'Etat est en principe une totalité complète, alors, il est impossible que l'Eglise et l'Etat soient distincts». Ce principe ne met cependant pas en péril la raison d'être de l'Eglise puisque la «totalité qu'est l'Eglise ne devient une réalité partielle que lorsque, dans la totalité, on pulvérise l'homme en deux êtres particuliers, en un citoyen et un homme d'Eglise».

    Dans l'Esprit du christianisme et son destin, texte de la période de Francfort, Hegel établit une typologie des religions juive, chrétienne et grecque, où la religion grecque «fonctionne comme un paradigme par rapport auquel sont évaluées les deux premières» (32). Ce que le christianisme a conservé de judaïsme, qui le distingue de la religion grecque, et fonde son destin, tient à ce que «I'Eglise et l'Etat, le culte et la vie, la piété et la vertu, l'action divine et l'action dans le monde ne puissent se fondre en une réalité», alors que la Grèce était cette fusion même (33).

    Dans la seconde Philosophie de l'Esprit, Hegel écrit: «La religion comme telle a besoin de l'être là, de l'effectivité immédiate. Elle est l'universel : par conséquent, elle est sous la domination de l'Etat et est utilisée par lui ( ... ). Mais l'Etat qui se soumet à l'Eglise, soit est livré au fanatisme et perdu, soit fournit l'occasion d'introduire le gouvernement clérical qui exige non l'extériorisation du faire et de l'être là et de la pensée déterminée, mais de la volonté en tant que telle et sans doute dans l'être là comme tel mais, toutefois, non pas face à l'universel, à l'être reconnu puisqu'elle ne l'exige que face à une volonté singulière comme telle» (34).

    Même thème dans l'Encyclopédie : «La véritable religion et la véritable religiosité ne naissent que des bonnes moeurs, et sont les bonnes moeurs pensantes, c'est-à-dire devenant conscientes de la libre universalité qu'est celle de leur essence concrète ( ... ). Il ne peut y avoir deux sortes de conscience morale, l'une religieuse et l'autre conforme aux bonnes moeurs et qui, par sa teneur et son contenu, s'en distinguerait. ( ... ) L'énorme erreur de nos temps fut de vouloir envisager ces deux inséparables comme séparables l'un à l'autre» (35).

    A l'extériorité de l'adoration religieuse (médiatisée par l'hostie, les images miraculeuses, les reliques, ... ) dans la religion catholique, expression de la non liberté de l'esprit dans le domaine religieux, ne peut que correspondre, pour Hegel, une législation et une constitution de non-liberté sur le plan du droit et des bonnes moeurs. Ce n'est que dans la conscience morale protestante, où l'hostie n'est consacrée que dans la jouissance et la croyance, que l'esprit est en même temps certain de lui-même et libre, et que le principe de la conscience morale religieuse et celui de la conscience morale conforme aux bonnes moeurs deviennent un seul et même principe.

    Hegel met ainsi en évidence la contradiction sur laquelle reposent des Etats aux constitutions rationnelles mais où le catholicisme reste la religion dominante. Tel est le cas de la Prusse du roi protestant Frédéric-Guillaume III où il est venu s'établir en 1817, tel est le cas des provinces belges des Pays-Bas, où règne un souverain protestant, mais où domine le clergé. Hegel prévoit l'échec de pareils régimes : «Il faut tenir simplement pour une folie des Temps Modernes de changer un système de moeurs corrompus, la Constitution et la législation correspondante à ce système, d'avoir fait une Révolution sans une Réforme, d'imaginer que, avec l'ancienne religion et ses réalités sacrées, une Constitution contraire à cette religion peut avoir elle-même repos et harmonie, et que, grâce à des garanties extérieures on donne stabilité aux lois. Il faut envisager comme un simple expédient de vouloir séparer de la religion les droits et les lois, dans l'impuissance où l'on est à descendre dans les profondeurs de l'esprit religieux et de l'élever lui-même à sa propre vérité.

    La Philosophie du Droit , bien qu'elle ne se donne pas pour un «traité complètement concret de l'Etat», peut être lue comme une invitation à l'interventionisme de l'Etat en matière religieuse (36). L'intériorité de l'Eglise dans l'Etat - et donc sa soumission aux lois - est affirmée en même temps que son extériorité relative : «La religion a, comme la connaissance et la science, un principe propre différent de celui de l'Etat; elles entrent donc dans l'Etat, d'une part à titre de moyens de culture, et d'autre part en tant qu'elles ont des buts indépendants, et de formation morale grâce à l'aspect qui fait d'elles une existence extérieure. Aux deux points de vue, les principes de l'Etat s'appliquent à elles». Concrètement, l'intériorité de l'Eglise dans l'Etat se pose dans ses propriétés et possessions territoriales, mais aussi dans l'expression de principes moraux, c'est-à-dire dans l'enseignement, où elle prétend entrer en concurrence avec l'Etat: «A cette prétention se rattache l'exigence que l'Etat non seulement assure à l'Eglise la pleine liberté d'enseignement, mais encore respecte absolument cet enseignement en tant que tel et tel qu'il soit, sous prétexte qu'il n'appartient qu'à elle de la définir ». Contre ces prétentions de l'Eglise, l'Etat, «qui roprésente bien plutôt le savoir, doit «prendre la défense de la vérité objective et des principes de la vie morale contre l'opinion qui adopte de mauvais principes, lorsque celleci devient une existence universelle, dévorant la réalité».

    Enfin, dans son Introduction à la Philosophie de l'Histoire (37), Hegel revient une dernière fois sur le thème, pour critiquer «la sotte tentative de notre époque d'inventer et de réaliser des constitutions indépendamment de la religion» et dénoncer radicalement l'incompatibilité du catholicisme et du droit public : «Pour sauvegarder son propre caractère, qui ne reconnaît pas le droit et l'ordre éthique comme étant en soi, comme substantiels, le catholicisme doit nécessairement expulser la sphère du droit public, de la constitution, hors de la sphère religieuse. Mais ainsi séparés du monde intérieur, du sanctuaire profond de la conscience, du lieu silencieux où la religion a son siège, les principes et les institutions du droit public ne parviennent pas à se donner un véritable centre et demeureront dans l'abstraction et l'imprécision».

La question religieuse sous l'occupation hollandaise

    La politique dite de l' «Amalgame», souhaitée par le Traité de Londres et le Congrès de Vienne, lorsque les «provinces belgiques» furent attribuées au Prince d'Orange, impliquait une intégration idéologique des provinces catholiques dans un Etat de tradition protestante. Toute la période fut marquée par la «question religieuse», qui a fait l'objet de nombreuses études, dues essentiellement à des historiens catholiques (38).

    Dès l'annonce de la nomination du Prince d'Orange comme gouverneur général des anciennes Provinces-Unies (21 juillet 1813), les catholiques s'inquiétèrent de voir un protestant placé à la tête de l'administration des «provinces belgiques» (39). Dans un mémoire adressé au Congrès de Vienne (8 octobre 1814), les vicaires généraux souhaitaient l'établissement d'un nouveau Concordat, la réouverture de l'Université de Louvain, la liberté des corporations religieuses, le rétablissement des Jésuites, etc. (40). En dépit de mesures de conciliation (composition du Gouvernement, mesures législatives sur le repos dominical, sur la célébration du mariage, augmentation du traitement du clergé, ... ), la nouvelle administration n'arriva pas à empêcher les premières manifestations d'opposition des catholiques: mise en question de la nomination de l'évêque de Praedt comme archevêque de Malines, mécontentement suscité par l'arrêté d'expulsion du nonce Ciamberlani, refus des catholiques de prêter le serment de fidélité à la Loi fondamentale ... (41).

    Ces premières difficultés amenèrent le roi Guillaume à instituer, en septembre 1815, une Commission chargée de la direction des affaires du Culte catholique et de l'organisation de l' «Eglise belgique » (42). C'est à tort que l'on considérerait que le calvinisme des souverains hollandais fut la matrice principale du projet de subordination de l'Eglise à l'Etat que contenait le projet d'Eglise belgique : jamais le protestantisme n'a été instauré comme religion d'Etat aux Pays-Bas (43)». C'est plutôt dans la convergence des opinions respectives des deux hommes que Guillaume va placer à la tête de la Commission du culte catholique , le Baron Goubeau d'Horvorst et P.G. Van Ghert, que l'on peut trouver les origines doctrinales du projet d'Eglise belgique.

    Le Baron Goubeau d'Horvorst, directeur général de la Commission, avait été un dignitaire de l'époque autrichienne et était resté un partisan du «joséphisme». Expression de l' «Aufklärung catholique», le joséphisme trouve ses racines dans les traditions régalistes espagnoles, qui inspirèrent les empereurs autrichiens dès le 16ème siècle et que Joseph Il porta à maturation dès le début de son règne (1780), en entreprenant la subordination complète de l'Eglise nationale à l'Etat (44).

    Quant au secrétaire de la Commission, il n'est autre que Van Ghert, dont nous avons vu combien il fut marqué, tout au long de cette période, par la doctrine hégélienne, qui, en matière de soumission de l'Eglise à l'Etat, s'han-nonise aisément avec le joséphisme. La lettre que Van Ghert envoie à Hegel lorsqu'il s'installe à Bruxelles au printemps 1816 décrit assez bien le climat dans lequel il va devoir travailler: «En Belgique, la nouvelle culture n'a même pas encore pénétré. Les Belges sont tellement francisés, qu'ils n'ont aucun sens pour la philosophie et s'en tiennent à la superficialité et à la légèreté françaises, en sorte que, de ce point de vue, je perds beaucoup par mon changement de résidence. Mais comme la Belgique n'est qu'une partie subordonnée de la Hollande, tout peut s'arranger avec le temps, quand l'aurore y brillera davantage. Dommage seulement que le clergé et la populace soient si extraordinairement fanatiques, égoïstes et bigots. La Réformation n'a jamais été tolérée en Belgique; de là vient qu'aujourd'hui, comme les protestants reçoivent des églises et des fonctions publiques en Belgique, et comme les prêtres affirment qu'en dehors de la religion catholique il n'est point de salut, ils sont obligés de se rebeller là contre et de protester contre le libre exercice du culte. Les évêques français de Gand et de Tournai sont en cette affaire les représentants de la populace. Mais cela changera, espérons-le, quand nous aurons un Concordat avec le pape» (45).

    Il ne saurait être question de retracer ici toutes les péripéties de la «question religieuse» qui allait voir s'affronter le Roi et la Commission des Cultes au clergé belge et au Saint-Siège. Rappelons simplement que l'on peut distinguer cinq phases dans cet affrontement :

    - une première phase d'affrontement (1815-1822), où les arguments de querelle furent la prestation de serment à la Loi fondamentale (1815), la lecture des arrêtés royaux en chaire (1815), la dispersion de la congréga-tion de Delterbergen (1816), le procès, la condamnation et la fuite de Monseigneur de Broglie, évêque de Gand (1817), le procès de presse de l'abbé De Foere (1817) ;

    - une phase d'apaisement (1822-1825), qui permet l'ouverture des négociations avec le Saint-Siège pour l'établissement du Concordat;

    - une deuxième phase d'affrontement (1825-1827) dont le motif principal est la question scolaire et la création du Collège philosophique ;

    - une brève phase d'apaisement après la signature du Concordat (1827-1828) ;

    - une phase finale d'affrontement (1828-1830), caractérisée par l'Union entre catholiques et libéraux et qui débouche sur l'insurrection plébéienne d'août 1830 et la proclamation de l'Indépendance.

Le Collège philosophique et l'enseignement de l'hégélianisme

    Le 14 juin 1825, le roi Guillaume promulgua deux arrêtés sur l'enseignement qui allaient déclencher une véritable «guerre scolaire» avant la lettre: l'un soumettait les établissements d'humanités classiques à la tutelle du Ministère de l'Intérieur, l'autre instituait le Collège philosophique, établi à Louvain, obligatoire pour les «jeunes gens du culte catholique romain destinés à l'état ecclésiastique» et dont l'objectif était de lutter contre la «crasse ignorance du clergé». Van Ghert, qui revendiquait la paternité de ce projet, semble l'avoir conçu dès 1823 (46).

    A peine fut-il annoncé que le projet rencontra l'opposition de l'archevêque de Malines et la résistance du clergé, soutenue par le Vatican. Inauguré le 17 octobre 1825, le Collège ne cessa d'être l'objet d'attaques des catholiques: les prêtres belges refusèrent d'y enseigner, les parents d'y inscrire leurs enfants destinés à la prêtrise, des filières d'études à l'étranger furent organisées, les libelles se répandirent (47).

    L'affaire eut - à travers la presse - un retentissement international et Hegel en perçut les rumeurs: «Que vous ne soyez pas oisif, écrit-il à Van Ghert en mars 1826 (48), c'est ce que je crois pouvoir supposer d'après les multiples témoignages des feuilles publiques: le séminaire philosophique, les fâcheux voisins qui cherchent à passer vos frontières en contrebande ou à attirer les gens au-delà des frontières, les nombreuses manifestations de la lutte avec l'esprit clérical - tout cela me permet de supposer que votre tête et votre main trouvent là une occupation active ( ... ). J'espère que vous me raconterez beaucoup de choses sur tout cela; c'est un important combat qui se livre à présent à ce sujet dans l'Ouest de l'Europe. » Mais Hegel n'était pas un simple témoin : l'enseignement de son système philosophique était au coeur de la querelle. Van Ghert avait en effet confié l'enseignement de la philosophie au Collège à F.A. Seber, ancien professeur à l'Université de Bonn, et qui «traite la philosophie selon la méthode hégélienne» (49). Outre l'enseignement de la logique, Seber organise, hors programme, un cours spécial, à destination des 80 élèves allemands du Collège, sur l'histoire de la philosophie de Kant jusqu'à Hegel. «On peut espérer, écrit-il à Hegel, que votre système aura pris ici plus profondément racine que dans plusieurs universités allemandes. »

    C'était compter sans la virulence de la réaction des catholiques contre le Collège philosophique en tant que tel, mais aussi, plus particulièrement, contre l'introduction de la philosophie allemande. Barrett, le vicaire capitulaire de Liège, qui fait rapport au Pape sur l'opinion des autorités ecclésiastiques belges à propos des matières enseignées au Collège, écrit : «Il n'y a pas de science plus dangereuse que la philosophie enseignée selon les systèmes modernes» (50).

    Lorsque reprirent, en janvier 1827, les négociations pour l'établissement du Concordat, le Vatican n'eut de cesse d'obtenir non seulement que le Collège philosophique devienne facultatif, mais qu'en soit bannie «la vaine philosophie». Après les premières négociations, le comte de Celles, ambassadeur des Pays-Bas au Vatican, écrit au Roi : «Le Collège philosophique peut rester et serait utile si on y apportait des modifications sur la surveillance de la doctrine enseignée et des professeurs» (51).

    Ce problème central de la doctrine trouva une solution apparemment inattendue : le Professeur Seber mourut en août 1827 (52) et il fut remplacé par le curé J. Janssens, «desservant à Engis-lez-Liège», historien à ses heures (53) et dont Terlinden rapporte qu'il «a banni du Collège philosophique, malgré l'opposition de Van Ghert, les doctrines de Kant et de Hegel» (54). Le 20 juin 1829, le Collège fut rendu facultatif ; le 9 janvier 1830, il était supprimé. Huit mois plus tard éclatait l'insurrection plébéienne de Bruxelles.

Les projets d'Eglise belgique

    Le Collège philosophique fut pensé par Van Ghert comme lieu d'implantation doctrinale de l'hégélianisme en Belgique et centre de rayonnement vers l'Allemagne même. Mais l'influence hégélienne se marque également dans l'hypothèse politico-religieuse sur laquelle travaille la Commission des Cultes et le Ministre de la Justice Van Maanen en 1826 et 1827, avant l'ouverture des négociations sur le Concordat. En 1826, le Ministre Van Maanen rédige un projet d'organisation de l'Eglise belgique , prévoyant notamment la nomination des évêques par le Roi, sans ingérence «étrangère», ainsi que le refoulement des missionnaires. Ce texte est le résultat des concertations entre le Roi, Van Maanen, le baron Goubeau, Van Ghert, et, semble-t-il, le professeur Seber. Il paraît établi que le modèle politique fut le projet similaire du schisme religieux de Wurtemberg (1818) (55), mais le préambule indique clairement l'influence du principe hégélien de l'intériorité de l'Etat à l'Eglise : «Il ne doit plus y avoir de doute ni d'incertitude sur la force d'obligation générale, dans toute l'étendue du Royaume, de certaines lois d'Etat qui ne garantissent pas moins les intérêts du Gouvernement. Tandis que ces lois sont ponctuellement exécutées dans quelques provinces et qu'elles sont incontestablement obligatoires pour tout le Royaume, elles sont demeurées sans exécution dans d'autres parties par suite des doutes qui se sont élevés chez plusieurs et qu'il faut attribuer, en grande partie, au système défectueux qui continue à y subsister sous le rapport de l'organisation écclésiastique. Il ne doit plus demeurer de traces de mesures antérieures qui peuvent avoir été nécessaires en des temps reculés et avoir harmonie avec des principes et des règles du Gouvernement d'alors, mais dont la continuation présenterait une contradiction intempestive avec les principes sur lesquels est basé notre Gouvernement et que la Loi Fondamentale a garantis à tous nos sujets. « (56).

    Ce projet élaboré par des catholiques fut rapidement abandonné par le roi, sous l'influence de conseillers protestants, qui en mesurèrent les dangers. Peu de temps après, en juillet 1826, le Roi prononça la disgrâce de Goubeau, en signe de bonne volonté pour l'ouverture des négociations sur le Concordat, et la Commission des Cultes fut rattachée au Ministère de l'Intérieur (57).

    Van Ghert continua cependant à défendre le projet d'Eglise belgique, et, au début de 1827, il publia une brochure qui fut envoyée par le Ministre de la Justice aux parquets, en guise d'indication pour les poursuites à engager contre les ecclésiastiques qui remettraient en question, par la doctrine ou par la pratique, la primauté de l'Etat sur l'Eglise. Cependant, sentant probablement proche sa propre disgrâce, il lança, en mai 1828, une revue philosophique, toujours inspirée par la philosophie hégélienne, mais adressée principalement au public du Nord (58). Son impopularité dans les provinces du Sud a atteint un sommet à cette époque, comme en témoigne un des derniers libelles contre le Collège philosophique : «Non content d'imposer aux catholiques cet homme (le baron Goubeau), vous lui en avez associé un autre, dont le nom est devenu trop méprisable pour trouver place ici ; puisque, cartes sur table, il serait aisé de prouver que dans toutes ses courses ministérielles, il a presque toujours eu recours au mensonge et à la calomnie pour parvenir à ses fins ; un homme que méprisent ceux là même qui l'emploient, et dont les antécédents et les seules études, si connues, dit-on, dans les provinces du Nord d'où il est, eussent suffi pour rendre la confiance des catholiques impossible» (59).

    La disgrâce de Van Ghert fut consacrée en même temps que la fermeture du Collège philosophique: il fut remplacé le 11 décembre 1829 par l'avocat Vander Horst, catholique convaincu (60). Il mourut en 1854, «dans des sentiments de bon chrétien» (61).

    L' «important combat» était perdu pour les hégéliens.

La «question religieuse» aux origines de l'Unionisme et du pragmatisme belge

    L'offensive théorique hégélienne que représentait la création du Collège philosophique s'est soldée par un échec, la philosophie allemande étant remplacée par l'enseignement d'un curé de campagne institué professeur de philosophie. Ce refoulement des «nouvelles doctrines» pourrait n'être qu'une anecdote s'il n'avait été à l'origine d'une mutation politique du monde catholique belge qui allait s'avérer déterminante pour la création de l'Etat belge : le passage au pragmatisme, réalisé dans l'ouverture politique aux libéraux.

    Pour saisir la constitution du consensus qui est à la base de la politique de l'Unionisme, il est utile d'en rappeler les trois phases principales:

    - la première tentative de rapprochement entre libéraux et catholiques, opérée entre 1817 et 1820 par Van Meenen et l'abbé De Foere, est l'oeuvre de deux théoriciens, et échoue, faute d'être relayée politique-ment;

    - lorsque paraissent les arrêtés sur l'enseignement, la création du Collège philosophique (juin 1825), l'ensemble du monde libéral (De Reiffenberg, De Potter, T. Verhaegen, le Courrier des Pays-Bas , le Mathieu Laensbergh , ... ) applaudissait à cette offensive contre le clergé. C'est pourtant cette occasion que saisit le chef de file des catholiques à la seconde Chambre des Etats généraux, E.-C. de Gerlache, pour lancer un appel d'union à certaines fractions du monde libéral. Dans son discours du 13 décembre 1825, il réclame la liberté du père de famille dans le choix de l'école fréquentée par ses enfants et établit - fait nouveau dans le discours politique des catholiques - un lien entre liberté de la presse, liberté de l'enseignement et liberté de commerce. Il déplace ainsi les positions tra-ditionnelles des catholiques (opposition aux Droits de l'Homme et revendication de l'autonomie d'enseignement comme garantie de l'autorité de l'Eglise sur la société) vers celles des libéraux doctrinaires. Le Mathieu Laensbergh , organe des libéraux non-anticléricaux liégeois, perçoit l'appel de de Gerlache, mais y répond en se défiant de l'opportunisme du chef catholique et en se contentant de conseiller au gouvernement de se tenir «absolument neutre en matière de religion»;

    - la troisième tentative de rapprochement émanera, au printemps de 1827, des libéraux du Mathieu Laensbergh, dans le contexte du projet d'Eglise belgique et de négociation du Concordat. Commentant la brochure de Van Ghert, Observations sur les libertés de l'Eglise belgique, «brochure faite avec beaucoup de décence, de modération, et, ce qui est peut-être encore plus rare aujourd'hui en cette matière, avec beaucoup d'érudition et de logique», un des rédacteurs du quotidien liégeois, F. Van Hulst, dénonce le placet royal et la procédure d'appel comme des «entraves dont l'affranchissement prendrait à plus juste titre le nom de libertés de l'Eglise belgique» (62). C'est donc au nom de la liberté de la presse que les libéraux liégeois vont défendre les catholiques. Deux mois auparavant, Paul Devaux avait par ailleurs relancé le projet unioniste en dénonçant l'importance prise par la question religieuse : «Déjà, en éveillant quelque animosité, les discussions religieuses ou politico-religieuses ont été nuisibles. Elles ont divisé des hommes qui pouvaient faire des progrès en commun, elles les ont éloignés de la civilisation; elles ont aussi fait perdre de vue à d'autres le but principal en politique : les garanties qu'on a droit de réclamer du pouvoir et l'esprit public qu'il faut former».

    Ce rapprochement avec les catholiques provoque d'abord la méfiance des courants anticléricaux du libéralisme (Journal de la Province de Liège, Courrier des Pays-Bas, etc.). Il faudra attendre le procès de quatre rédacteurs du Courrier des Pays-Bas, en octobre 1828, pour que ces libéraux anticléricaux se rallient au mouvement d'Union. La fameuse Lettre sur les Jésuites de De Potter, qui substitue au front anti-jésuites un front anti-ministériels, est classiquement considérée comme l'acte d'aboutissement du processus d'Union.

    H. Haag (65) a bien montré que les bases de l'Unionisme furent de pure pragmatique politique, les articles de presse servant de point de repères aux alliances tacites, en l'absence de tout pacte écrit et de toute formulation doctrinale nouvelle. Contrairement à ce qu'affirmaient classiquement Terlinden et H. Pirenne, il est maintenant admis que ce n'est pas la doctrine de Lamennais qui, en se propageant, a fait évoluer les catholiques vers le catholicisme libéral, mais qu'au contraire, c'est l'exemple d'alliance pragmatique entre catholiques et libéraux belges qui a servi de base à Lamennais pour sa théorisation, dans Des progrès de la Révolution et de la guerre contre l'Eglise, des libertés de presse, de conscience et d'enseignement.

    On notera par ailleurs que tous les libéraux ne se rallièrent pas au pragmatisme de l'Unionisme: ainsi T. Verhaegen, déjà très écouté dans la loge maçonnique des «Amis philanthropes», et que rencontra peut-être Hegel lors de son premier voyage à Bruxelles (66), considéra que l'alliance livrait les libéraux pieds et poings liés à l'autoritarisme religieux et resta, plusieurs années après l'Indépendance, un partisan de l'orangisme.

Les éclectiques et la lutte contre la philosophie allemande

    Bouclons la boucle en revenant au groupe des éclectiques de Louvain, pour essayer de déterminer l'évolution de leur position par rapport à la question religieuse et à l'introduction de la philosophie allemande.

    La conscience de ce que l'éclectisme était tributaire, via Victor Cousin, de la philosophie allemande, était claire, y compris chez les observateurs extérieurs. Ainsi le Mathieu Laensbergh évoque en août 1825 la «nouvelle philosophie venue du Nord» qui marque la jeunesse libérale. Ecrivant l'histoire de cette période, de Gerlache évoquera «l'élan de générosité qui vint saisir l'esprit de notre jeunesse libérale (sous l'influence de) MM. Guizot et Cousin, marchant sur les traces de quelques philosophes allemands» (67). Il n'est donc pas étonnant de voir les éclectiques de Louvain, et en particulier le baron de Reiffenberg, applaudira à la création du Collège philosophique. Mais les querelles politiques qui s'ensuivent entraineront leur déception. Evoquant son enthousiasme de 1825, de Reiffenberg écrit trois ans plus tard: «L'auteur était loin de prévoir quels fruits amers portait l'arbre qu'on venait de planter avec tant de solennité. Il n'a pas tardé à être cruellement désabusé» (68). Comment expliquer cet échec de l'implantation de la philosophie allemande en Belgique? «Les Allemands sont riches de travaux consciencieux, de spéculations hardies d'une vaste portée, mais souvent un peu confuses et vaporeuses ... » (69). «Ce n'est qu'en passant sur le territoire français que l'Allemagne scientifique s'ouvrira actuellement, remarquez cette restriction, rentrée de notre pays» (70).

    Faisant écho au professeur de Louvain, Victor Cousin s'exprimera, en 1830, à la veille de la Révolution, sur l'échec de son ancien ami Van Ghert: «Vouloir transposer brusquement la philosophie allemande en Belgique, c'est vouloir un effet sans cause; c'est entreprendre de se passer du temps, c'est agir contre la loi de gradation, qui n'est jamais impunément violée; c'est étouffer les semences naturelles qui commencent à germer dans une impuissance invincible de faire venir autre chose ( ... ). En un mot, si par sa position géographique, par ses habitudes religieuses et politiques, par son génie et toute son histoire, la Hollande regarde l'Allemagne, par ces mêmes motifs, la Belgique regarde la France» (71).

    Van Meenen ira plus loin dans l'opposition à la philosophie allemande, en liant question doctrinale et question linguistique - «Quand nous serons devenus des demi-allemands, écrit-il en 1828 (72), on aura moins de peine à nous faire Hollandais». Il polémiquera également avec le Tijdschrift voor wijsbegeerte de Van Ghert, qui trouvait chez Leibniz, Kant et Hegel des arguments en faveur de la peine de mort.

Conclusions

    Il est sans doute prématuré de tirer des conclusions de cet épisode du refoulement de l'hégélianisme, quelques mois avant la Révolution de 1830. Nous indiquons ici une piste qu'il appartient aux historiens professionnels de suivre plus en détail. On peut cependant dès à présent s'interroger sur le sens de ce refoulement et sur ses conséquences.

    Il est difficile de déterminer si c'est hégélianisme en soi, comme système général, qui a été refoulé, ou si le rejet provient d'un seul aspect, celui mis en pratique par Van Ghert et les siens, à savoir la soumission de l'Eglise à l'Etat. Il n'est même pas sûr que les théologiens catholiques aient à cette époque, lu les oeuvres de Hegel qui étaient accessibles. L'article "Hégélianisme" d'un ouvrage aussi érudit que le Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes rédigé par Pluquet et complété par l'abbé Claris (73) définit ce terme comme «système antichrétien de Hegel, philosophe allemand, qui expose l'erreur la plus vaste et la plus monstrueuse que l'esprit humain puisse concevoir», mais il est clair que cet article est basé sur la lecture de Cousin et non celle de Hegel.

    Le fait que les catholiques belges aient préféré passer alliance avec les libéraux plutôt qu'avec les partisans d'un système qui assignait une place rationnelle et légitime à la religion et à l'Eglise au sein de la société civile, semble bien indiquer que la signification profonde, l'intérêt stratégique de l'hégélianisme n'a pas été perçu et que seules ont été prises en considération les implications immédiates.

    Quant aux libéraux, leur ignorance du système parait avoir été plus grande encore et il ne se sont prononcés que sur les effets. Un ouvrage tel que la Philosophie du droit, qui lie l'existence de la liberté au principe du droit abstrait et proposait un modèle d'Etat-substance fondé sur l'union des corporations, ne semble pas avoir été connu et débattu. Aussi les «libertés fondamentales» sont-elles énoncées par le Congrès national de manière à assurer la sécurité et la protection de la propriété et de la liberté individuelle.

    L'affrontement idéologique entre les classes issues du mode de production féodal (l'aristocratie, les propriétaires fonciers, la paysannerie, le clergé qui les soude) et les classes du mode de production capitaliste en plein développement (capital financier, bourgeoisie industrielle, petite bourgeoisie intellectuelle, travailleurs des manufactures) a produit dans les Provinces belges des Pays-Bas des formes inédites d'idéologie telles que le catholicisme libéral ou les germes de socialisme utopique décelables chez les acteurs de l'insurrection plébéienne d'août 1830. Dans une situation d'équilibre des forces où aucune classe ou fraction de classe ne pouvait établir son hégémonie, l'Unionisme assurait un consensus politique suffisant pour fonder un Etat constitutionnel modèle, «Eldorado monarchique à base démocratique la plus large» selon la formule ironique de Marx (74). L'Etat étant perçu d'emblée comme le lieu matériel du consensus et non comme l'instance théorique de rationalisation et de subsomption des intérêts particuliers des classes dominantes, ne se manifestait pas la nécessité, pour la bourgeoisie belge, de sécréter de grands idéologues, philosophes ou théoriciens politiques. L'exemple de l'éclectique Sylvain Van de Weyer, mobilisé dans les tâches immédiates de la diplomatie, illustre bien la priorité qui fut donnée aux tâches pratiques. Aussi est-ce dans la pratique politique - et non dans la pratique théorique - que se révélèrent les figures marquantes de la bourgeoisie belge. Parmi celles-ci, il s'en trouva quelques-unes pour prendre fait et cause pour la défense du prolétariat. Qu'en l'absence d'une théorie de l'Etat-substance le seul objectif politique se soit révélé être l'élargissement démocratique de l'Etat matériellement existant aux couches les plus larges de la population résulterait ainsi du caractère positif de la conception dominante de l'Etat, non de quelque trahison machiavélique. En d'autres termes, seule l'absence d'une idée abstraite de l'Etat pouvait rendre incompréhensible l'abstraction matériellement concrétisable de dictature du prolétariat, conceptualisée par Marx comme alternative théorique à la doctrine de l'Etat-substance (75).


(1) Voir l'introduction de Critique politique à l'article de S. DERUETTE, «Trahison de la vérité ou vérité de la trahison?», Critique politique, n'7-8, p. 143, novembre 1980-avril 1983.
(2) S. DERUETTE, op.cit.,p. 155. Serge DERUETTE a nuancé cette thèse dans « La grève de l'hiver 1960-1961, moteur du fédéralisme wallon », in TOUDI, 1989.
(3) C'est la même démarche appliquée à la Belgique que celle, esquissée pour le cas français, par L. ALTHUSSER, in Pour Marx, pp. 14 et suivantes, Maspero, Paris, 1973 ou par J. DROZ, Histoire générale du socialisme, t. 11, p.142, P.U.F., Paris, 1974.
(4) En ce qui concerne l'histoire de la philosophie en Belgique, nous restons tributaires de synthèses anciennes : F. VAN MEENEN, «Histoire de la philosophie», in E. VAN BEMMEL, Patria Belgica. Encyclopédie nationale, Troisième partie, «Belgique morale et intellectuelle», Bruylant-Christophe, 1875 et M. DE WULF, Histoire de la philosophie en Belgique, Dewit-Alcan, Bruxelles-Paris, 1910.
(5) F.L. MUELLER, La pensée contemporaine en Italie et l'influence de Hegel, Université de Genève, 1941. Sur l'influence de l'école hégélienne napolitaine dans la naissance du marxisme italien: E. GARIN, «Antonio Labriola e i saggi sul materialismo storico», introduction à A. LABRIOLA, La concezione materialistica della storia, VII-LXVI, Universale Laterza, Bari, 1965.
(6) G. PLANTY-BONJOUR, Hegel et la pensée philosophique en Russie, 1830-1917, Martinus Nijhoff, La Haye, 1974.
(7) A. KOYRE, «Rapport sur l'état des études hégéliennes en France», (1930) in Etudes d'histoire de la pensée philosophique, Gallimard, 2ème édition, 1971.
(8) C. BOEY, L'aliénation dans la «Phénoménologie de l'esprit», Préface de J. GAUVIN, Desclée De Brouwer, Paris-Bruges, 1970 ; M. D'ABBIERO, Alienazione in Hegel. Usi e significati di Entäusserung, Entfremdung e Verausserung, Roma, Edizione del Ateneo, 1970.
(9) Article en préparation: «Rhétorique, Critique de la rhétorique et Critique de l'idéologie. Sur le rapport Marx/Destutt de Tracy».
(10) VAN MEENEN, op. cit., p. 173. V. COUSIN, «De la philosophie en Belgique», 1830, publié en recueil après S. VAN DE WEYER, Discours sur l'histoire de la philosophie, 1827, Wahlen, Bruxelles, 1840. Ce volume contient également: Baron de REIFFENRERG, «De la direction actuellement nécessaire aux études philosophiques», 1828.
(12) M. ABENSOUR (éd.), Philosophies de l'Université. L'idéalisme allemand et la question de l'Université, (Textes de Schelling, Fichte, Schleiermacher, Humboldt, Hegel), Payot, 1979.
(13) «B.I. Denzinger», notice biographique par A. LEROY in L'Université de Liège depuis sa fondation, Liber Memorialis, p. 165, Liège, 1869.
(14) Notes 5,6 et 7. R. SEREAU, Hegel et l'hégélianisme, «Que sais-je?», PUF, 1962.
(15) K. ROSENKRANZ, G.W.F. Hegel's Leben , Berlin, 1844, cité par R. SEREAU, op. cit., p. 89.
(16) G.W.F. HEGEL, Correspondance, trad. J. CARRERE, texte établi par J. HOFFMEISTER, 3 vol., Gallimard, Paris, 1962, 1963, 1967 (= C.).
(17) Notice biographique par J. HOFFMEISTER, in C, I, p. 418. Hegel pensait à tort que Van Ghert était protestant (C., II, p. 148). On sait que l'occupation napoléonienne avait été pour la communauté catholique hollandaise une période d'émancipation. Probablement est-ce là qu'il faut chercher l'origine de la bienveillance de Van Ghert à l'égard de la Révolution ftançaise et, partant, son intérêt pour la philosophie de Hegel. Voir L.J. ROGIER, «Le Siècle des Lumières et la Révolution» in R. AUBERT, M.D. KNOWLES, L.J. ROGIER, Nouvelle Histoire de l'Eglise, tome 4, pp. 193-194, Seuil, 1966.
(18) N.R. BEYER, Zwischen Phänomenologie und Logik : Hegel als Redakteur der Bamberger Zeitung, 2ème éd., Pahl-Rugerstein, Köln, 1974.
(19) 4 août 1809, C., I, p. 261.
(20) id. et 21 sept. 1810, C., I., 289.
(21) 22 juin 18 10, C., I., p. 280.
(22) C, I, p. 283, 290, 304, 373; C., II, p. 15 ,4 1. Voir C. TERLINDEN, Guillaume ler, Roi des Pays-Bas et l'Eglise catholique , 2 vol., t. 1, p. 118, A. Dewit, Bruxelles, 1906, repris par C. BRONNE, L'Amalgame, p. 188, Goemaere, Bruxelles, s.d.
(23) C., II, p. 67.
(24) 26 juin 1817, C.,  II., p. 143.
(25) 25 juillet 1817, C.,II., p. 148.
(26) C., II, pp. 307-313.
(27) C.,III,p. 176.
(28) Cité par HOFFMEISTER, in C., 111, 377.
(29) G.W.F. HEGEL, Système de la vie éthique, trad. et présenté par J. TAMINIAUX, Payot, 1976 ; Le droit naturel, trad. et présenté par A. KAAN, Gallimard, 1972, Première philosophie de l'esprit, trad. et présenté par G.PLANTY-BONJOUR, P.U.F., 1969, La philosophie de l'esprit , trad. et présenté par G. PLANTY-BONJOUR, P.U.F., 1982. J. HABERMAS, «Travail et interaction» in La technique et la science comme «idéologie», Gallimard, 1973.
(30) C., II, p. 170.
(31) ROSENKRANZ, op. cit. , pp. 87-88, cité par P. ASVELD, La pensée religieuse du jeune Hegel, pp. 145-148, Desclée de Brouwer, Paris, 1953.
(32) J. TAMMIAUX, in HEGEL, Système de la vie éthique, op. cit.
(33) G.W.F. HEGEL, L'esprit du christianisme et son destin, recueil établi par NOHL, trad. par J. MARTIN, p. 342, Vrin, Paris, 1948.
(34) op. cit., pp. 118-119.
(35) G.W.F. HEGEL, Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé, trad. par M. DE GANDILLAC, § 552, p. 470, Gallimard, Paris, 1970.
(36) G.W.F. HEGEL, Principes de la philosophie du droit, trad. A KAAN, § 270, pp. 284-298, Gallimard, 1940.
(37) G.W.F. HEGEL, La Raison dans l'Histoire, trad. K. PAPAIOANNOU, pp. 145-146, UGE, 1965.
(38) G. TERLINDEN, op. cit.; S. STOCKMAN, De religieuzen en de onderwijs- politiek der regeering in het vereenijd koninkrij der Nederlanden (18141830), 'S Gravenhage, 1935; A. SIMON, Le Cardinal Sterckx et son temps (1792-1867), Scaldis, Wetteren, 1950; H. HAAG, Les origines du catholicisme libéral en Belgique (1789-1839), E. Nauwelaerts, Louvain, 1950; R. AUBERT, «Les débuts du catholicisme libéral en Belgique», in Les catholiques libéraux au XIXème siècle , pp. 67-78, Presses Universitaires de Grenoble, 1974; H. WAGNON, «Le Concordat de 1801-1827 et la Belgique indépendante», in L'Eglise et l'Etat , op. cit. ; A. MIROIR, «La doctrine libérale sur l'Etat, l'Eglise et la Société», in Histoire de la laïcité, dir. sc. H. HASQUIN, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1979.
(39) TERLINDEN, op. cit., pp. 14-15.
(40) ibid., p. 18.
(41) ibid., pp. 28-72.
(42) ibid., p. 110.
(43) Voir L.J. ROGIER, op. cit., p. 199. Le flottement des qualificatifs («protestant», «joséphiste», «fébronie», «gallican», voire «jansé-niste») chez tous les historiens de la période atteste de l'imprécision qui a dominé jusqu'ici dans l'analyse de la matrice idéologique de la politique religieuse de l'administration hollandaise.
(44) Sur l'histoire du joséphisme, et plus particulièrement sur la création du Séminaire général à Louvain (1786-1789), qui servira de modèle au Collège philosophique, voir L.J. ROGIER, ibid., pp. 151-162.
(45) C., II, p. 68.
(46) TERLINDEN, op. cit., pp. 353-448.
(47) TERLINDEN, op. cit., p. 434 a dressé une liste de 31 brochures pro o contra. Dans une lettre du 20 juin 1826 (C., 111, p. 105), Van Ghert demande à Hegel d'en publier une également.
(48) C., III, p. 95.
(49) Seber à Hegel, 3 juin 1826, C., III, p.103. F.J. SEBER, (1777-1827) a publié Uber Religion und Theologie, Dumont- Schauberg, Cologne 1823, ouvrage influencé par Kant et Daub.
(50) BARRETT à Mgr MAZIO, Liège, 14 décembre 1825. Cité par TERLINDEN, 1, p. 43 1.
(51) Comte de CELLES, Rapport au Roi, 14 janvier 1827, cité in TERLINDEN, 11, P. 72.
(52) J. JANSSENS (1783-1863), curé d'Engis, professeur de théologie au séminaire de Liège, a publié une Histoire des Pays-Bas, 3 vol., Liège, 1840. Voir notice biographique par A. JOURNEZ, in Biographie nationale, t. 10, p. 146.
(53) R. NELIS, Inventaires des archives de l'Université de l'Etat à Louvain et du Collège philosophique, p. 17, Hayez, Bruxelles, 1917.
(54) TERLINDEN, op. cil., p. 25 1.
(55) TERLINDEN, op. cit., pp. 486-523. Hegel était intervenu dans le débat sur la Constitution du Wurtemberg à la fin de 1817 pour défendre la valeur du droit civil abstrait face au libéralisme et ses thèses avaient été largement reprises et diffusées par le roi. Voir J. HABERMAS, «Les écrits politiques de Hegel», in Théorie et pratique, trad. M. DE LAUNAY, Payot, Paris, 1975. Hegel avait attiré l'attention de Van Ghert sur la situation du Wurtemberg (5 février 1821, CJI, p. 216), en lui envoyant son article «Jugement sur les délibérations imprimées de l'assemblée des états du royaume de Wurtemberg dans les années 1815 et 1816».
(56) «Projet d'arrêté organique de l'Eglise belgique». in TERLINDEN, op. cit., I, p. 506 (Nous soulignons).
(57) TERLINDEN, ibid., II, p. 27.
(58) Voir note 28.
(59) Trois chapitres sur les deux arrêtés du 20 juin 1829, relatifs au Collège philosophique, par un père de famillée pétitionnaire, p. 73, Vanderborght, Bruxelles, septembre 1829.
(60) TERLINDEN, op. cit., 11, pp. 289-291.
(61) ibid., I, p. 118.
(62) Cité in A. MIROIR, op. cit.
(65) H. HAAG, op. cil.
(66) Dans deux lettres à Van Ghert (7 et 10 avril 1823, C_III, p. 14 et 27), Hegel évoque le plaisir qu'il a eu à rencontrer un certain Dr. Verhaegen. Selon Hoffmeister, ce Verhagen était un ami de Van Ghert qui rendit visite à Hegel en Allemagne. Il est très plausible qu'il s'agisse de Pierre-Théodore Verhaegen (1796-1862), à l'époque avocat et administrateur, selon son biographe F. VAN KALKEN (Biographie nationale, t. 16, p. 615, Bruylant, 1936-1938), de la politique de laïcisation et de centralisation. Des recherches plus précises devraient confirmer ce rapport entre le fondateur de l'Université libre de Bruxelles (ULB) et le maître de l'idéalisme allemand.
(67) DE GERLACHE,
(68) DE REIFFENBERG, op. cit.
(69) ibid.
(70) ibid.
(71) V. COUSIN, op. cit.
(72) A. LEROY, Article VAN MEENEN, in Biographie nationale, t. 14, pp. 234- 247, Bruylant, 1897.
(73) Abbé J.Jh CLARIS, Dictionnaire des hérésies, des erreurs et des schismes, Tome premier, p. 9, Ateliers catholiques du Petit Montrouge, Paris, 1847.
(74) Cité par le recueil d'articles de Marx sur la Belgique établi par le collectif LE FIL DU TEMPS, sous le titre Belgique, Etat constitutionnel modèle, Paris, 1980.


 


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Histoire de la télévision      © André Lange
Dernière mise à jour : 24 novembre 2001